Dans la mémoire des Hautes-Alpes, juin 1957 reste gravé comme un moment de chaos et de solidarité. Cette année-là, un enchaînement brutal de pluies torrentielles et de fonte des neiges va plonger la vallée du Queyras dans une catastrophe sans précédent. En quelques jours, les cours d’eau débordent, les routes s’effondrent, les villages sont coupés du monde. Deux personnes perdront la vie, et des centaines d’habitants devront être secourus par hélicoptère, dans l’un des premiers grands déploiements de ce type en montagne.

Une catastrophe déclenchée par la météo

La tragédie débute à la mi-juin 1957, dans un contexte météorologique instable. Les pluies sont abondantes et tombent sans interruption pendant plusieurs jours. S’y ajoute une fonte rapide des neiges en altitude, due à une hausse soudaine des températures. Dans les Alpes du Sud, ces deux phénomènes conjugués font gonfler les torrents qui dévalent les pentes. Dans le Queyras, où les versants sont raides et le sol encore chargé d’eau, les rivières sortent de leur lit.

Les dégâts sont immédiats : des routes emportées, des ponts effondrés, des glissements de terrain qui isolent les villages. Saint-Véran, Abriès, Ristolas, Aiguilles… tous les bourgs de la vallée sont touchés. Les habitants se retrouvent piégés, sans électricité ni liaison possible avec l’extérieur. Les stocks de nourriture s’amenuisent, les communications sont coupées, et le ravitaillement devient une urgence absolue.

Une mobilisation inédite dans les airs

Face à l’ampleur de la situation, les secours s’organisent. C’est depuis la préfecture de Gap que la réponse s’accélère, avec l’aide de l’armée et de la Sécurité civile. Pour atteindre les zones coupées du monde, il faut innover : ce sera l’hélicoptère. Pendant plusieurs jours, des appareils venus de toute la France survolent le Queyras. Ils déposent des vivres, des couvertures, des médicaments, puis repartent avec les blessés et les personnes les plus vulnérables. C’est l’un des premiers exemples en France d’une évacuation aérienne de grande ampleur en montagne.

Deux habitants perdront la vie dans la catastrophe, mais de nombreux autres seront sauvés grâce à cette organisation improvisée mais efficace. Sur place, les habitants font preuve d’une solidarité remarquable. Des refuges improvisés sont installés, les enfants sont mis à l’abri, et les anciens racontent encore aujourd’hui le silence étrange qui suivit les glissements de terrain, comme si la montagne retenait son souffle.

Une mémoire à ne pas laisser s’effacer

Cet épisode dramatique va profondément marquer l’histoire du Queyras. Il met en lumière la fragilité des vallées alpines face aux risques naturels, mais aussi leur capacité à faire face collectivement. La catastrophe de 1957 contribuera à accélérer la réflexion sur l’aménagement du territoire, les systèmes d’alerte, et la création de zones protégées. Deux ans plus tard, en 1959, le parc naturel régional du Queyras commencera à prendre forme, avec l’idée de mieux préserver cet environnement exceptionnel… tout en le rendant plus résilient.

Aujourd’hui, peu de traces visibles subsistent de cette crue destructrice, mais elle continue de vivre dans les récits, les archives, et les souvenirs de ceux qui l’ont vécue. À l’heure où les aléas climatiques s’intensifient, se souvenir de ces événements passés, c’est aussi se donner les moyens de mieux anticiper l’avenir.