Une décision attendue par les habitants
À Aubière, commune en périphérie de Clermont-Ferrand, l’attente était palpable depuis plusieurs mois. Le 3 avril 2025, un arrêté interministériel a enfin reconnu l’état de catastrophe naturelle pour la période de sécheresse survenue entre juillet et septembre 2023. Cette décision concerne les mouvements de terrain liés au phénomène de retrait-gonflement des argiles, une menace discrète mais redoutée qui s’intensifie avec la répétition des épisodes secs. Pour de nombreux riverains, c’est une forme de soulagement : leurs démarches d’indemnisation peuvent désormais officiellement commencer.
Sur le terrain, les dégâts sont visibles à l’œil nu. Failles dans les murs, portes qui ne ferment plus, escaliers qui s’affaissent… Les sols argileux, en se rétractant sous l’effet de la chaleur puis en se regonflant avec l’humidité, provoquent de véritables déformations structurelles. Cette reconnaissance ouvre une fenêtre de 30 jours à compter de la publication de l’arrêté pour que les sinistrés déclarent leurs dommages auprès de leur assureur. Au-delà, les demandes risquent de ne plus être prises en charge. Ce compte à rebours renforce l’urgence pour les habitants de rassembler photos, devis, et rapports techniques pour documenter leurs sinistres.
Un phénomène en hausse avec le changement climatique
Le retrait-gonflement des argiles n’est pas nouveau en Auvergne, mais sa fréquence et sa sévérité augmentent avec les épisodes de sécheresse prolongée. Le département du Puy-de-Dôme, bien que moins exposé que certaines zones du Sud-Ouest, voit désormais ce risque figurer en bonne place sur les cartes d’aléas. Ce phénomène touche particulièrement les zones périurbaines, où les constructions récentes sont parfois moins bien adaptées aux spécificités géologiques locales.
Le phénomène est d’autant plus sournois qu’il agit lentement : on ne parle pas ici de glissements de terrain spectaculaires, mais d’un affaissement progressif qui fragilise les fondations. Certaines maisons voient apparaître des fissures qui s’élargissent de mois en mois, à mesure que le sol évolue. Et face à ce type de menace, le zonage de prévention, les techniques de construction et l’entretien des sols sont souvent insuffisamment anticipés.
Vers une meilleure préparation des communes et des habitants
La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’est pas seulement un levier d’indemnisation. Elle sert aussi de signal pour les collectivités locales, appelées à renforcer leur résilience. À Aubière comme ailleurs, cela passe par un travail d’identification des zones les plus exposées, l’adaptation des documents d’urbanisme, mais aussi une information plus large à destination des habitants.
Plusieurs communes du Puy-de-Dôme ont déjà engagé une réflexion sur le sujet, notamment dans le cadre des Plans de Prévention des Risques (PPR). L’accompagnement des particuliers, la sensibilisation aux bons gestes d’entretien (comme l’arrosage régulier autour des fondations pendant les périodes de forte chaleur), ou encore l’utilisation de matériaux plus souples dans les constructions neuves, font partie des pistes évoquées.
Une reconnaissance locale à replacer dans une tendance nationale
Ce cas d’Aubière s’inscrit dans une tendance plus large : en France, les arrêtés de catastrophe naturelle pour cause de sécheresse explosent. En 2023, plus de 3000 communes ont été concernées par une demande. Et l’année 2025, bien qu’encore en cours, semble déjà marquée par une accélération des sollicitations. Cela pose de nombreuses questions, à la fois en matière d’aménagement, d’assurabilité des biens, et de gestion budgétaire pour l’État.
Il est donc probable que le sujet reste d’actualité dans les années à venir. La reconnaissance à Aubière pourrait n’être qu’une étape parmi d’autres dans une montée en puissance des tensions entre adaptation au climat, gestion des sinistres, et équité territoriale. En attendant, les habitants s’organisent, parfois en groupes, pour faciliter les démarches et faire entendre leur voix. Car au-delà des murs fissurés, c’est un cadre de vie qui se fragilise.